Un petit Anglais sur les bancs de l’école

Quand les racines d’un homme remontent jusqu’au pied du Taillefer, il est impossible de les renier. La famille Chambaz est ancrée dans la Matheysine, depuis maintenant plus de cinq générations. Et si l’un de ses rejetons nait loin de La Morte, il se doit d’y revenir régulièrement afin de se ressourcer. Ainsi, bien qu’ayant vu le jour en 2009 à Londres, Arthur a déjà plusieurs fois arpenté les pistes enneigées de l’Alpe du Grand Serre. Cet hiver, une nouvelle expérience l’attendait : partir en vacances à l’école.

Cela en étonnera certains, mais pour lui qui ne commencera la primaire qu’en septembre prochain en Grande Bretagne, Arthur était en fait ravi de pouvoir s’asseoir sur les bancs d’une école, française qui plus est. En outre quand il réalisa que 59 ans plus tôt, son grand-père se rendait dans le même établissement, en luge, il n’avait plus qu’une hâte : découvrir cette classe unique où les enfants du village et ceux des saisonniers se côtoient. Brassage d’âges, de parcours, d’expériences… Cette diversité est une des raisons pour lesquelles ses parents ont choisi de vivre à Londres. Ils ont donc été ravis lorsque la directrice de l’école, Magali Blanchard, accepta d’accueillir leur enfant pour quelques semaines.

On dit que les plus jeunes sont naturellement accueillants, mais se retrouver seul, dans une nouvelle culture, aurait pu désorienter le petit Franco-Anglais. Les efforts de Magali et de Stéphane, pour faciliter son intégration ont indéniablement permis de rendre ce séjour des plus instructifs. Pensez donc, quatorze camarades âgés de trois à dix ans, un curriculum de classe unique, flexible, combinant idéalement enseignement académique et activités extérieures… On est loin des archétypes de Prévert ou du Petit Nicolas. Arthur se sera rapidement intégré dans le groupe, partageant aussi un peu de son quotidien britannique avec ses nouveaux amis français au détour d’un film de la BBC ou d’un livre. Les petits mortillons ont ainsi pu parler de Londres, cette immense métropole, de ses bus fameux, et de la Reine bien sûr, et ainsi s'ouvrir à d'autres réalités.

Quant aux grands-parents, pour eux aussi, l’expérience est à renouveler. Oh, on ne parle pas bien sûr du répit que leur offre une journée de classe entre deux vagues de questionnements ininterrompus (ceux qui ont eu un enfant de quatre ans compatiront). Ce qu’ils retiennent ce sont les rencontres intergénérationnelles que la garde du petit fils a rendues possibles. La sortie des classes est en effet le moment idéal pour tisser de nouveaux liens. La taille d’un village comme La Morte ne devrait être pas un obstacle social, et pourtant les différences de rythmes, d’habitudes, font que les nouvelles rencontres ne sont pas toujours évidentes. Du coup, si un enfant peut servir de catalyseur…

Après trois semaines d’immersion au cœur de la vie mortillone, Arthur va rentrer sur les bords de la Tamise pour y rencontrer son petit frère, Tom, né à Londres le 9 février, pendant son séjour alpin. Et il y a fort à parier qu’il n’aura de cesse de lui raconter ainsi qu’à ses copains de la nursery, tout ce qu’il aura vécu là-bas : se faire de nouveaux amis dans le fief familial, vivre dans un village où tout diffère des grandes villes, découvrir à quel point une classe unique est une éducation riche humainement, et comment il aura marché, littéralement, dans les pas de son papy. Bref, ces trois semaines auront été bien plus que des vacances : elles auront été l’expérience d’une autre vie.

Arthur (au centre avec l'ardoise)

Arthur (au centre avec l'ardoise)

Bernard Chambaz devant la nouvelle école de La Morte en 1956

Bernard Chambaz devant la nouvelle école de La Morte en 1956